mots, une fois encore, ils s’embrassèrent dans un adieu suprême ; puis tout à coup un poignard brilla dans la main de l’homme et s’abattit sur la gorge de la jeune femme, toute frissonnante, dont la tête pâle se pencha sur l’épaule de son meurtrier, fixant sur son visage un dernier regard plein d’une expression d’amour et de joie douloureuse ; le poignard brilla une seconde fois, et la lame sanglante disparut tout entière dans la poitrine de l’homme.
Celui-ci, demeura pendant une minute, droit, immobile, les yeux fixés sur le ciel, puis il courba la tête, imprima un dernier baiser sur le front blêmi de sa compagne, l’enleva dans ses bras par un effort puissant, marcha d’un pas ferme vers l’arrière du navire ; il s’élança avec son précieux fardeau, et s’engloutit à jamais au milieu des lames rugissantes.
Au même instant, une lame monstrueuse passa par dessus le navire, dont toutes les membrures frémirent, un craquement sinistre se fit entendre : ce fut en vain que les spectateurs terrifiés cherchèrent le bâtiment, il avait disparu, émietté par les rochers ; au loin quelques planches flottaient au hasard, tristes épaves surnageant seules à ce beau navire, dont le nom même devait rester un mystère.
Les années s’écoulèrent, le temps passa sur cette terrible catastrophe, et elle fut, ou du moins parut complétement oubliée.
Danican n’avait pas voulu se séparer de l’enfant auquel il avait si miraculeusement sauvé la vie, il l’avait adopté et l’aimait, comme s’il eût été son père. On s’attache encore plus par les services qu’on rend, que par ceux qu’on reçoit. Le farouche boucanier, espèce de bête fauve, dont la vie avait toujours été solitaire, éprouvait un bonheur inouï, quand après une périlleuse expédition contre les Espagnols, ou une rude chasse aux taureaux, dans les savanes, il était accueilli au retour par les frais et cristallins éclats de rire de la charmante fillette ; nous avons oublié de noter ce détail important