que l’enfant sauvé par le boucanier était une fille. Il lui ouvrait ses bras, dans lesquels elle se jetait avec bonheur, le couvrant de ces bons baisers de l’enfance dont le charme est si puissant que rien ne les égale, et en l’appelant : « mon père ! »
Fleur-de-Mai, Danican l’avait ainsi nommée en souvenir de son sauvetage, se croyait la fille du boucanier ; pourquoi lui aurait-on enlevé cette croyance ? nul n’avait intérêt à le faire, d’ailleurs la plupart des témoins du sauvetage étaient morts ou disparus ; ceux demeurés à Saint-Domingue, tout en se souvenant de l’événement, en avaient oublié les détails.
Pendant les trois ou quatre premières années, le frère de la Côte, n’avait reçu qu’avec une certaine hésitation les caresses enfantines de Fleur-de-Mai ; ce titre de père, qu’elle lui donnait de sa voix si douce, lui causait une émotion délicieuse ; d’où cela provenait-il ? personne excepté lui n’aurait su le dire, et ce secret, il le conservait caché au plus profond de son cœur.
Cette émotion, ou plutôt cette confusion qu’il éprouvait à la vue de l’enfant, devint même si forte, qu’il résolut de s’y soustraire.
Danican s’était retiré dans le Grand-fond, où il avait établi un boucan ; il chassait, avec son engagé, les taureaux sauvages et les sangliers. À quelques portées de fusil du campement du boucanier, vivait depuis nombre d’ânées, sous la protection efficace et souvent effective des flibustiers, à cause de leurs constantes vies avec les Espagnols, une famille caraïbe, dont le chef descendait directement de l’un des plus anciens et des plus puissants Caciques, de cette malheureuse nation, alors presque éteinte, par suite de la barbarie espagnole, et dont les quelques familles survivant encore étaient venues chercher un refuge auprès des boucaniers ; ceux-ci, si féroces qu’on se plût à les représenter, avaient accueilli ces infortunés comme des frères, et les traitaient comme tels.
À plusieurs reprises, le boucanier avait eu des rapports