ses observations, le remercia et résolut de reprendre son enfant avec lui.
Mais là surgit, ou plutôt se révéla, une difficulté nouvelle.
L’existence du boucanier pendant les dix ans qu’il avait vécu seul, avait été fort accidentée de toutes les façons, c’est-à-dire fort peu exemplaire ; en somme et pour parler net, Danican était devenu un affreux bandit, orné des vices les plus crapuleux, et dans le cœur duquel il ne restait plus rien de bon, que son amour véritablement paternel pour son enfant d’adoption.
Le frère de la Côte ne possédait plus un sou vaillant ; il avait été contraint de vendre jusqu’à ses bagages, pour subvenir aux premiers frais de l’installation de sa pupille auprès de lui ; heureusement, il eut la pensée diabolique de risquer, sur une seule carte, la somme assez rondelette, produite par la vente.
Il gagna. Un autre se serait retiré en empochant son gain ; le boucanier s’en garda, au contraire, il continua à jouer avec une chance si extraordinairement favorable qu’il ruina son adversaire, et cela d’une façon si radicale, que celui-ci se retira, sans autre costume qu’un caleçon de toile, après avoir laissé à Danican tout son argent, trente mille piastres environ, une maison dont il était le propriétaire, deux engagés, trois venteurs et jusqu’à ses vêtements.
Une heure plus tard, le boucanier ainsi dépouillé se brûlait la cervelle ; mais cette catastrophe n’influa en rien sur la joie du frère de la Côte ; il était riche, peu lui importait le reste.
Il s’installa aussitôt dans sa nouvelle propriété, la disposa à sa guise, et la fournit de tout ce dont elle avait besoin ; mais comme les mauvais instincts dominaient plus que jamais en lui ; qu’il avait perdu jusqu’au sens moral ; il métamorphosa cette charmante demeure en un tripot du plus bas étage ; sans songer un instant à l’innocente créature qu’il allait introduire dans cet enfer, et condamner à avoir sans cesse sous les yeux le