Page:Aimard - Les rois de l'océan, 1 (L'Olonnais).djvu/239

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spectacle repoussant des vices les plus ignobles, et des plus effroyables orgies.

Dieu n’abandonne jamais aucune de ses créatures ; il veillait sur la jeune fille ; malgré le contact odieux auquel elle était journellement exposée, il la préserva de toute souillure.

Fleur-de-Mai, lorsque le boucanier la retira aux caraïbes auxquels il l’avait confiée pendant de si longues années, avait quinze ans. Elle était grande, svelte, élancée, fine, cambrée et flexible comme un arc ; ses pieds et ses mains étaient d’une petitesse extrême ; il y avait dans sa démarche quelque chose de majestueux, de noble dont étaient surpris tous ceux qui la voyaient pour la première fois ; ses cheveux d’un blond ambré, d’une longueur et d’une épaisseur extraordinaires, tombaient en larges boucles jusqu’à sa ceinture ; ses yeux d’un bleu pâle et transparent, presque toujours fixés dans l’espace, avaient dans le regard quelque chose d’incertain, de mystérieux et de rêveur, impossible à définir ; sa bouche mignonne, admirablement dessinée, laissait constamment errer sur ses lèvres demi-closes, un sourire doux et pensif ; sa peau d’un blanc nacré, était d’une transparence telle, qu’on voyait comme à travers un nuage circuler sous son épiderme le bleu réseau de ses veines.

Elle était délicieusement belle ; mais sa beauté avait un cachet d’étrangeté farouche, qu’elle tenait sans doute de l’existence presque sauvage que toujours elle avait menée, et qu’elle continuait sans entraves ni contrôle, depuis que son père adoptif l’avait reprise avec lui.

Ses journées presque tout entières se passaient à errer seule dans les grands bois des savanes, rêvant sous leur épaisse ramure, cueillant des fleurs au bord des rivières, tressant des couronnes et des guirlandes, qu’elle enroulait autour d’elle, ou plaçait dans sa blonde chevelure.

Cette séduisante créature exerçait, sur tout ce qui l’approchait, hommes ou animaux, une fascination singulière. Pendant ses longues courses, les oiseaux sem-