— Ma foi, je l’ignore ; je voudrais y passer quelque temps ; ce pays me plaît ; malheureusement tu connais le proverbe : « l’homme propose et le diable dispose. » Mon séjour ici, est subordonné à certains événements indépendants de ma volonté ; ainsi par exemple, il se pourrait faire que j’y demeurasse éternellement.
— Vous plaisantez, capitaine.
— Pas le moins du monde, tu vas en juger ; je me bats au lever du soleil.
— Vous !
— Mon Dieu oui, et qui sait, si je ne serai pas tué ?
— Allons donc ! vous êtes bien trop adroit pour cela, capitaine.
— C’est possible, mais le hasard est plus fort que tout ; dans un duel à la boucanière, c’est presque toujours lui qui décide.
— Quand à cela c’est vrai ? me permettez-vous de vous demander contre qui vous vous battez ?
— Oh ! parfaitement ; c’est avec un nouveau débarqué ; il se fait, je crois, nommer l’Olonnais.
— J’en ai entendu parler ; on le dit d’une bravoure, et surtout d’une adresse extraordinaire.
— Tu vois bien ?
— Oh ! je ne dis pas cela pour ça.
— Bah ! que m’importe ? tu connais bien ce pays, n’est-ce pas ?
— Moi ? je le crois bien, capitaine ; je l’habite depuis plus de vingt ans.
— Alors cela tombe à merveille ; tu sais où est le grand fond ?
— J’y ai boucané pendant quatre années de suite ; il y a deux petites lieues d’ici, tout au plus.
— En marchant bien, c’est l’affaire d’une heure ?
— À peu près, oui, capitaine.
— Peux-tu m’y conduire ?
— Je ne demande pas mieux ; c’est là que vous vous battez ?
— Oui.