ralement ; en fait il n’avait que fort peu mangé chez le duc de la Torre ; à peine avait-il goûté à quelques-uns des plats qu’on lui avait présentés ; de sorte qu’il était presque à jeun depuis le matin.
Cependant, grâce aux assauts réitérés livrés au pâté et aux autres comestibles, étalés à profusion sur la table, cet appétit ne tarda pas à se calmer ; alors après avoir bu une énorme rasade, sans doute pour s’éclaircir la voix, il rompit le silence que jusque alors il avait obstinément gardé :
— Cordieu ! dit-il, en s’essuyant la moustache, quelle triomphante idée tu as eue, Pied d’Alouette, d’improviser cet excellent souper !
— N’est-ce pas, capitaine ? répondit le boucanier, tout en préparant le café ; le fait est que vous aviez grand’faim, à ce qu’il m’a semblé.
— Le fait est que je tombais d’inanition tout simplement ; aussi sois tranquille, je ne serai pas ingrat.
— Oh ! je sais à qui j’ai affaire, capitaine, fit-il en riant ; aimez-vous votre café chaud ?
— Bouillant.
— Alors vous êtes servi à souhait ; tenez, le sucre est là près de vous, capitaine, à côté de l’eau-de-vie.
— Merci ; après un bon souper, une tasse de café et une pipe de tabac, je ne connais pas de jouissance pareille.
— Vous avez bien raison, capitaine ; rien au monde n’égale cela ; surtout avec une bonne causerie, les coudes sur la table et la bouteille d’eau-de-vie à portée de la main.
— Eh ! eh ! tu es un sybarite, maître Danican ?
— Ma foi, je ne m’en cache pas, capitaine. Dame, la vie est si courte !
— Après nous la fin du monde, n’est-ce pas ?
— C’est cela même, capitaine, à votre santé !
— À la tienne, mon brave !
— Sans indiscrétion, capitaine, est-ce que vous comptez rester longtemps par ici, j’entends à Léogane ?