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Page:Aimard - Les rois de l'océan, 1 (L'Olonnais).djvu/275

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Mais presque aussitôt on aperçut Bothwell, étendu sur l’herbe, maintenu par l’Olonnais dont le genou pesait sur sa poitrine, et lui serrant la gorge de la main gauche, en même temps que de la droite il brandissait sa hache sur sa tête.

— Rends-toi, misérable ! reconnais tes torts ! s’écria le jeune homme.

Bothwell ne répondit que par un cri de rage, en faisant un effort gigantesque pour échapper à la puissante étreinte de son ennemi, mais sans y réussir.

— Eh bien, meurs comme un chien ! reprit l’Olonnais.

Mais tout à coup il sentit son bras retenu.

Instinctivement il se retourna, et poussa un cri de surprise et d’admiration.

Légèrement penchée sur lui, sa main mignonne posée sur le manche de la hache qu’elle effleurait à peine, Fleur-de-Mai, pâle comme un fantôme, mais souriante, l’implorait par un de ces regards expressifs, qu’elle savait si bien laisser glisser entre ses paupières mi-closes, et dont l’éloquence touchante était irrésistible.

— Que veux-tu ? balbutia le jeune homme stupéfait et ignorant dans sa naïve crédulité, s’il avait affaire à une femme, ou à un être en dehors des lois de l’humanité.

Montbarts, Danican et les autres Frères de la Côte, intéressés malgré eux par cette scène étrange, s’étaient insensiblement rapprochés, et formaient un cercle attentif autour de ce singulier groupe.

— Tu as vaincu cet homme, répondit la jeune fille de sa voix harmonieuse, dont les notes musicales, allaient doucement au cœur du flibustier, sois généreux, accorde-moi sa vie.

L’Olonnais fit un geste, qu’elle arrêta aussitôt.

— C’est Dieu qui t’a préservé de l’atteinte mortelle de cet homme féroce, reprit-elle avec un délicieux sourire, ne sois pas ingrat ; le sang versé, ajouta-t-elle en soupirant, fait une tache ineffaçable.