— Attends ; et élevant la voix : Tributor ! cria-t-il.
Le géant parut.
— Voici quatre gourdes ; allez, toi et tes camarades, vous régaler au cabaret, jusqu’au coucher du soleil ; vous fermerez toutes les portes en sortant ; si quelqu’un vous demande des nouvelles, vous répondrez que l’Olonnais dort, que je suis sorti, et que vous profitez de l’occasion pour faire la noce, d’autant plus que je vous ai mis dehors, en emportant les clés ; est-ce compris ?
— Pardi ! fit l’engagé avec un gros rire épanoui sur sa large face ; faut pas être malin ; où sont les quatre gourdes ?
— Les voilà, et maintenant file en double, et patine-toi sous tes basses voiles ; il n’est que temps !
— Tout est paré, capitaine, soyez calme ; il n’y a pas de soin !
Le géant salua, tourna sur les talons avec une précision géométrique, sortit de la chambre, dont il referma la porte derrière lui ; quelques minutes plus tard, lui et ses camarades apparurent sur la plage, se dirigeant d’un air très-satisfait, vers le cabaret le plus proche, qu’ils ne tardèrent pas à atteindre, et dans lequel ils entrèrent gaillardement ; en hommes dont la poche est bien garnie.
Vent-en-Panne penché à la fenêtre, surveilla pendant quelques instants les mouvements de ses engagés ; puis certain que ses ordres avaient été exécutés à la lettre, il prit une chaise, la porta près du lit ; après s’être assis, et avoir bourré et allumé sa pipe avec le plus grand calme :
— À présent, parle tout à ton aise, matelot, personne ne nous dérangera.
— Puisque tu le veux, écoute : ce que je vais te dire m’a été raconté, lorsque j’étais encore bien jeune, par la femme du pauvre pêcheur qui m’a élevé ; c’est tout ce que je sais de mon histoire ; si cela t’intéresse tant mieux.
Vent-en-Panne fit un geste d’assentiment.