L’Olonnais reprit :
— Connais-tu la ville des Sables d’Olonne, matelot ?
— Un peu, répondit Vent-en-Panne d’une voix rauque, en s’enveloppant d’un nuage de fumée, au milieu duquel il disparut presque complétement.
— À une portée de fusil environ des Sables d’Olonne, sur les bords de la mer, se trouve un misérable hameau de pêcheurs, composé d’une douzaine de feux tout au plus ; et si peu important, qu’il n’a même pas de nom ; on l’appelle le Hameau, voilà tout : or, une certaine nuit de la fin de l’hiver, qui cette année-là avait été fort rigoureux…
— Est-ce que tu ignores la date exacte ? interrompit le flibustier.
— Non pas, mais cela est de si peu d’importance.
— Peut-être ; mais dis-la toujours, une date donne de l’authenticité à une histoire, fit-il en riant.
— Soit : c’était pendant la nuit du 24 au 25 mars 1648 ; le vent…
— Sacré mille millions de tonnerres ! s’écria Vent-en-Panne d’une voix étranglée.
— Hein ? qu’est-ce que tu as encore ?
— Rien, rien ; répondit-il presque inintelligiblement, j’ai manqué de casser ma pipe ; continue, matelot.
— Si tu m’interromps toujours, je n’en finirai jamais.
— Non, non ; je ne soufflerai plus mot ; je serai muet comme un cachalot, tu disais donc que c’était dans la nuit du 24 au 25 mars 1648, et que le vent…
— Oui ; depuis plusieurs jours le vent soufflait en foudre ; plusieurs naufrages avaient eu lieu sur la Côte ; les habitants du hameau dont je parlais tout à l’heure, étaient dans la désolation, parce que depuis quatre jours, ils n’avaient pu prendre la mer ; dans une des plus misérables cabanes du hameau, cette désolation était surtout extrême. Deux personnes, l’homme et la femme, la tête cachée dans les mains, assises sur des