Page:Aimard - Les rois de l'océan, 1 (L'Olonnais).djvu/290

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côte, ils avaient appris à se comprendre d’un geste d’un regard. Un galop pressé se fit entendre au loin ; parfois le bruit cessait pendant quelques minutes, puis il reprenait et allait toujours se rapprochant ; bientôt il devint assez fort ; les deux pauvres gens prêtèrent machinalement l’oreille.

— Serait-ce déjà le collecteur ? murmura la femme avec amertume.

— Le soleil n’est pas levé, répondit le pêcheur avec ironie, nous avons une heure encore.

— Écoute ; reprit la femme.

Un cheval venait de s’arrêter devant la porte de la chaumière.

— Qu’est-ce que cela ? murmura l’homme.

— Eh ! fit la femme avec un ricanement terrible, le Roi est pressé ! il a besoin de nos soixante francs ! entends-tu ?

En effet comme pour lui donner raison, deux coups avaient été frappés rudement à la porte.

Le pêcheur tressaillit ; son visage pâle devint livide ; ses traits se contractèrent horriblement ; mais se remettant aussitôt.

— Va ouvrir, femme ; dit-il d’une voix calme ; tôt ou tard, ne faudra-t-il pas qu’il entre ? ne le fais pas attendre plus longtemps ; tu le vois, il s’impatiente.

Deux autres coups, plus forts que les premiers, avaient été frappés sur la porte, dont les vieilles serrures avaient gémi.

La femme se leva, essuya ses larmes, se dirigea lentement vers la porte, et l’ouvrit d’une main ferme.

— Qui que vous soyez, dit-elle d’une voix douce et plaintive, soyez le bienvenu au nom de Notre Seigneur Jésus-Christ.

— Amen ! braves gens ; répondit une voix mâle.

Un homme pénétra alors dans la chaumière, dont il referma la porte derrière lui.

L’étranger était un homme de haute taille ; un peu gras, bien qu’il parut encore ingambe ; il s’enveloppait