Page:Aimard - Les rois de l'océan, 1 (L'Olonnais).djvu/292

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Celui-ci sans paraître remarquer le geste du brave homme, posa la bourse sur une table, placée à sa portée, et entr’ouvant délicatement son manteau, il laissa voir un enfant, soigneusement enveloppé, qu’il portait sous son bras gauche.

— Servir de mère à cette pauvre créature abandonnée en naissant, par celle qui lui a donné le jour ; dit-il avec tristesse, en présentant l’enfant à la femme du pêcheur.

Celle-ci s’en empara avec un élan de joie ; cet enfant réveillait en elle l’instinct maternel ; le premier besoin de la femme est d’aimer, le second de se dévouer ; la vue de cet enfant donnait le change à sa douleur ; déjà elle se sentait moins malheureuse, elle redevenait mère.

— Il est à moi ! s’écria-t-elle avec un accent, auquel l’étranger ne put se tromper.

— Hélas, oui ; répondit-il avec un sourire navrant, jamais il ne connaîtra d’autre famille que la vôtre.

— Nous tâcherons qu’elle lui suffise ; répondit simplement le pêcheur.

— Quel est son nom ? demanda la femme tout en berçant l’enfant qu’elle couvrait de baisers.

— Il n’en a pas ; reprit l’inconnu ; il est né depuis une heure à peine ; vous le ferez baptiser sous le nom de Sanzio ; et comme je viens de la ville des Sables d’Olonne, à ce nom vous ajouterez celui de l’Olonnais.

Vent-en-Panne fit un mouvement tellement brusque que le jeune homme se retourna vivement vers lui.

Le flibustier était pâle comme un suaire, ses traits étaient décomposés, son visage inondé de larmes.

— Qu’est-ce à dire ? s’écria l’Olonnais avec surprise, te sens-tu mal ? parle donc, matelot ?

— Ce n’est rien, rien du tout ! répondit Vent-en-Panne, d’une voix que l’émotion faisait trembler malgré tous ses efforts, sacré vingt mille tonnerres ! j’ai cassé ma pipe à laquelle je tenais tant, et il m’est entré de la cendre dans les yeux.