— Tu y tiens ?
— Je t’avoue que cela me fera plaisir.
— Je t’en donnerai cent, si tu veux ?
— Non, une seule me suffira.
— Eh bien, écoute, curieux ; d’abord tu es mon matelot, et tout ce qui te touche m’intéresse.
— C’est vrai, matelot, merci ; ensuite ?
— Ensuite ?
— Oui ; ce n’est pas une raison cela ; ou du moins, elle n’est pas suffisante.
— Hum ! tu es difficile à satisfaire, sais-tu ?
— Je suis comme cela ; reprit l’Olonnais en riant.
— Alors en voilà, non pas une, mais deux autres.
— J’écoute.
— Tu sais que nous sommes pays ?
— C’est vrai, tu es de Luçon, je crois ?
— Des environs ; un petit village, près de Tallemont.
— Je vois cela d’ici, va toujours.
— Or, en qualité de pays et de matelots, nous devons doublement nous intéresser l’un à l’autre.
— Oui, je comprends cela, mais…
— De plus…
— Quoi ?
— À force de penser et de me creuser la tête, je suis parvenu à réveiller mes souvenirs.
— Ah ! fit l’Olonnais, en fixant un regard anxieux sur Vent-en-Panne, et de quoi t’es-tu souvenu, matelot ?
— De ceci : que précisément à l’époque dont tu parles, je me trouvais moi aussi aux Sables d’Olonne.
— Ou aux environs ? demanda le jeune homme en riant.
— Ma foi oui, à peu près ; je faisais alors le grand cabotage, j’étais embarqué comme lieutenant à bord d’un côtier ; trois jours auparavant, nous nous étions réfugiés aux Sables, à cause de la tempête.
— Voilà qui est singulier, murmura l’Olonnais, en regardant Vent-en-Panne en face.