Page:Aimard - Les rois de l'océan, 1 (L'Olonnais).djvu/319

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blaient les narguer, et sans s’exposer eux-mêmes, les tenaient si fièrement en échec.

On sait le reste.

Cependant Vent-en-Panne, après avoir dégagé son matelot, ainsi que nous l’avons dit plus haut, s’était hardiment enfoncé sous le couvert ; et sans s’occuper s’il était suivi ou non par ses amis, avait continué à poursuivre les Espagnols.

Ses engagés l’avaient aperçu, et comme ils l’aimaient beaucoup, ils n’avaient pas voulu l’abandonner.

Tributor, tout en courant, avait même rallié quelques frères de la Côte ; ceux-ci n’avaient pas hésité à se joindre à un chef aussi célèbre que Vent-en-Panne ; de sorte que le flibustier se trouvait en réalité accompagné d’une douzaine de boucaniers, mais il n’y songeait guère.

Dans le groupe, au milieu duquel les deux dames étaient entraînées, tout en combattant, Vent-en-Panne avait cru tout à coup entrevoir deux sombres physionomies, dont l’expression froidement cruelle, ne lui était pas inconnue.

Une lueur traversa son souvenir ; un doute entra dans son esprit.

Sans se rendre compte de l’émotion qu’il éprouvait, sans même essayer de se l’expliquer, il voulut à tout prix s’assurer s’il s’était trompé ou non ; si à une époque troublée de sa vie, époque dont le souvenir enfoui au plus profond de son cœur y restait encore comme une de ses plus cruelles blessures, ces deux hommes qu’il avait tout lieu de croire morts, avaient échappé par un miracle du démon, à la condamnation qu’il avait prononcée contre eux, et revenaient aujourd’hui, implacables et plus terribles que jamais, pour se venger des maux horribles que, sans doute, ils avaient soufferts.

À cette seule pensée, le flibustier avait senti se réveiller en lui son ancienne haine, puissante et vivace comme au premier jour.

— Ce n’est pas, ce ne peut pas être eux, grommelait-il