— Pourquoi ne m’as-tu pas tué ? dit le blessé en essayant de se mettre sur son séant, ce qu’il ne put réussir à faire, à cause des liens dont il était garrotté.
— Pourquoi es-tu venu ici ? répondit Vent-en-Panne.
— Si nous continuons longtemps de cette façon, nous aurons peine à nous entendre, reprit le blessé avec ironie.
— Nous sommes-nous jamais entendus ? fit amèrement Vent-en-Panne ; l’homme dont tu es accompagné et que mes engagés poursuivent est ton frère, n’est-ce pas ?
— C’est mon frère, oui.
— Ainsi tous deux vous vivez ? tous deux vous avez trompé ma vengeance ; après tant d’années, vous essayez de recommencer une lutte, dont cependant vous avez été les premières victimes ?
— Qu’importe cela ? le passé n’existe plus, si cruel qu’il ait été ; qui peut dire que cette fois nous ne réussirons pas à t’abattre à ton tour ?
— Tu seras donc toujours le même, Gaston ? reprit Vent-en-Panne avec un rire sardonique ; tu parles de luttes, de victoire, et tu oublies que tu es là à mes pieds, blessé et en mon pouvoir, que rien ne me serait plus facile, si je le voulais, et peut-être le voudrai-je, que de me débarrasser de toi ; qui peut m’empêcher, ajouta-t-il en rechargeant tranquillement son fusil, de te loger une balle dans la tête ?
— Toi-même ; si tu avais voulu me tuer, ce serait fait déjà, tu n’es pas homme à te reprendre à deux fois, pour te venger d’un ennemi ; n’essaie pas de m’effrayer, Ludovic : je te connais mieux que tu ne te connais toi-même ; malgré mes précautions, tu m’as reconnu, ou cru me reconnaître, tu as voulu t’assurer que tu ne t’étais pas trompé, et tu t’es lancé à ma poursuite. Lorsque tu as tiré sur moi, rien ne t’était plus facile que de me tuer raide ; tu ne l’as pas fait, parce que tu ne l’as pas voulu ; parce que tu supposes que j’ai un secret, et que ce secret, tu veux le connaître.
— C’est vrai, Gaston ; je vois, avec plaisir, que tu