— J’ai dit que je voulais être seul ! reprit-il avec un accent terrible.
Les flibustiers courbèrent la tête et s’éloignèrent sans insister.
Seul, Tributor, sachant l’amitié de son maître pour lui, n’hésita pas à reprendre :
— Si nous rencontrons l’autre, que faudra-t-il en faire ?
Vent-en-Panne tressaillit ; mais se remettant aussitôt :
— Tu as raison, dit-il, si vous réussissiez à le prendre, amenez-le ici, j’y serai pendant une heure : va, ne m’ennuie pas davantage.
Cette fois Tributor ne se fit pas répéter l’invitation.
Vent-en-Panne suivit ses compagnons du regard, jusqu’à ce qu’ils eussent disparu sous le couvert ; puis il se pencha sur le corps de l’étranger, et pendant quelques secondes il examina attentivement sa blessure ; le vieux flibustier n’avait pas voulu tuer son ennemi, il avait seulement essayé de l’arrêter dans sa course, ce à quoi du reste il avait parfaitement réussi ; aussi la blessure n’était-elle pas autrement dangereuse. La balle avait tracé un long sillon le long des côtes ; sans pénétrer dans le corps ; la force du coup avait seule causé l’évanouissement.
Vent-en-Panne lava la plaie ; rapprocha les chairs ; selon la coutume Caraïbe, il délaya de la terre dans de l’eau ; fit une espèce de pâte compacte, la posa sur la blessure en l’y assujettissant solidement ; puis il jeta quelques gouttes d’eau sur le visage du blessé.
Ces quelques gouttes d’eau, suffirent pour le faire revenir à lui.
Une légère rougeur empourpra son visage, il poussa un profond soupir et ouvrit les yeux.
Dans le premier moment, son regard erra autour de lui sans expression ; mais bientôt l’ordre se remit dans ses idées ; la mémoire revint nette ; son regard plein d’éclairs se riva avec une expression de haine implacable sur le visage de Vent-en-Panne ; celui-ci avait repris sa première position, et l’observait avec un mélange de pitié et de colère.