— Cependant, caballero, ce ne serait pas toutefois, avant d’avoir pris connaissance de cette cédule, que j’ai l’honneur de vous présenter, et que je vous prie de lire avec toute l’attention dont vous êtes capable ; lisez, señor, lisez, je suis convaincu que cela vous intéressera.
Tout en parlant ainsi, le Chat-Tigre retira d’une des poches secrètes de son vêtement, un sachet en velours, il l’ouvrit, en sortit un papier auquel pendaient plusieurs sceaux, et s’inclinant avec ironie devant le gouverneur de San Juan de la Maguana.
— Lisez caballero, lui dit-il.
L’Espagnol tendit le bras et regarda le Chat-Tigre d’un air interrogateur.
— Lisez, lisez ; reprit celui-ci en appuyant avec intention sur le mot.
Il se passa alors une chose singulière.
Jamais changement plus rapide et plus complet, ne s’opéra non-seulement dans les traits, mais encore dans les manières d’un individu.
Autant l’Espagnol avait été hautain et méprisant jusque-là, autant il se fit petit, rampant et servile, après avoir rapidement parcouru des yeux, la cédule qui tremblait dans ses mains.
— Señor duque, dit-il avec un sourire obséquieux…
Mais l’autre lui coupa la parole.
— Pardon, señor don Antonio Coronel ; dit-il avec le même accent railleur, qu’il semblait affectionner particulièrement, il est possible que je sois ou que j’aie été duc et peut-être plus encore, à une autre époque de ma vie ; mais aujourd’hui pour des raisons personnelles, il me plaît de mettre provisoirement sous le boisseau ces titres redondants ; continuez à me parler comme si vous ne me connaissiez pas ; traitez-moi de señor Francès, ainsi que vous l’avez fait jusqu’à présent ; quant à moi, ajouta-t-il avec un accent ressemblant au sifflement d’une vipère, soyez convaincu que je n’oublierai pas quelle distance nous sépare ; je me ferai un devoir de