— Le prince de Talmont doit être au désespoir ?
— Il a failli devenir fou de douleur, en recevant cette affreuse nouvelle.
— Malheureux prince ! ne lui reste-t-il pas un fils ?
— Oui, un enfant de seize ans à peine ; il porte aujourd’hui le titre et le nom de Montlaur ; son père l’a envoyé en Allemagne, où il doit demeurer jusqu’à sa majorité ; ce qui me fait supposer qu’il y a dans toute cette affaire quelque chose de sinistre et de mystérieux que l’on ignore, mais dont le prince de Talmont est, lui, bien informé.
— Vous pourriez bien avoir raison, maître Parizot.
— Oui, oui ; fit-il tristement, je sais bien des choses que je ne puis dire, le respect me ferme la bouche ; il ne m’appartient pas de divulguer les secrets du prince, mais j’en sais sur cette affaire plus long qu’on le suppose.
Le capitaine fixa pendant un instant sur son interlocuteur un regard d’une expression singulière, puis il se leva et le saluant avec un sourire légèrement railleur :
— Mon cher maître Parizot, lui dit-il, je suis heureux d’avoir fait votre connaissance ; je vous remercie des précieux renseignements que vous m’avez donnés, avec une si inépuisable complaisance. Votre conversation est des plus attrayantes ; je ne me lasserais jamais de vous écouter ; mais des raisons de la plus haute importance me contraignent à prendre congé de vous à mon grand regret ; adieu donc, cher M. Parizot.
Le capitaine salua une dernière fois, tourna sur les talons et quitta la Pomme de Pin.
Son laquais l’attendait à l’endroit convenu. Il se mit en selle, passa sur la rive droite de la Seine et se dirigea vers le Palais Cardinal. Arrivé à l’angle de la rue Croix-des-Petits-Champs et de la rue Saint-Honoré le capitaine s’arrêta devant un hôtel d’une belle apparence, jeta la bride à son laquais et entra dans l’hôtel.
Plusieurs laquais, dont un tenait en bride une jolie mule grise, se trouvaient dans la cour.