Page:Aimard - Les rois de l'océan, 1 (L'Olonnais).djvu/78

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affreux donnait à sa physionomie une expression de méchanceté terrible. Il semblait parfois marcher sur les flots dont par moments, il émergeait tout entier.

Un cadavre, dont on ne pouvait que vaguement apercevoir les contours, était garrotté contre lui et, chose qui étonnait et effrayait surtout les matelots, on eût dit qu’il suivait la pirogue et ne voulait pas s’en éloigner.

Cette scène affreuse durait depuis un quart d’heure environ lorsque, tout à coup, le fantôme fit un bond comme pour s’élancer à bord de la pirogue, puis s’enfonça dans un tourbillon d’écume pour ne plus reparaître.

Les deux aventuriers étouffèrent un cri d’horreur, reculèrent en trébuchant et allèrent, pâles et effarés, les cheveux hérissés et le front couvert d’une sueur froide, tomber haletants et demi-fous de terreur, contre le capot de la chambre.

Ils avaient reconnu dans ce spectre sinistre l’officier de la Compagnie des Indes, dont ils avaient fait leur complice.

Que s’était-il passé et par suite de quelle effroyable catastrophe, cet homme se trouvait-il, cadavre lui-même, attaché à un autre cadavre, ballotté en pleine mer par les flots de l’Atlantique ?

Cette fantastique apparition, qui cependant n’avait rien de surnaturel et dont les personnes qui connaissent un peu les lois de la physique, comprendront parfaitement les causes, produisit un effet terrible sur l’esprit superstitieux des ignorants Espagnols, qui en furent témoins. Ils y virent un mauvais présage.

Ils commencèrent à chuchoter entre eux, et à se communiquer leurs impressions ; bientôt les deux frères s’aperçurent qu’ils faisaient le sujet des conversations de l’équipage, dont les regards se tournaient vers eux, avec une expression qui n’avait rien d’amical.

Les traîtres ont ce malheur, qu’implique leur trahi-