ensemble réellement militaire. L’aumônier fit ensuite en langue bretonne une courte allocution, qui fut écoutée avec ferveur ; puis on chanta une espèce de salvum fac regem auquel tout l’équipage répondit Amen ; et chacun se releva pour regagner son poste de combat.
Il était environ trois heures du matin. Le Robuste gagnait les navires inconnus dont il se rapprochait rapidement ; tout portait à supposer qu’au lever du soleil le combat commencerait ; le capitaine afin de rendre l’équipage plus dispos, donna l’ordre au commis du munitionnaire de délivrer les vivres du déjeuner, et de donner à chaque homme une chopine de vin sans eau, et dix-huit onces de biscuit.
Le temps pressait. On mangea debout autour des bidons. Les sous-officiers ne prirent même pas la peine d’accommoder le hareng réglementaire, avec l’huile qu’on leur avait distribuée ; si bien qu’en quelques minutes le déjeuner fut terminé.
Le capitaine des matelots donna un coup de sifflet, et commanda :
— Jetez le sel !
Alors une quinzaine d’hommes se rendirent à une écoutille où l’on avait apporté plusieurs paniers remplis de gros sel ; ils vidèrent les paniers et répandirent le sel sur le pont, qu’ils couvrirent ainsi comme d’un épais grésil.
En ce moment un des matelots de la hune de beaupré, crut entendre un léger clapotement à l’avant du navire ; il se penchait en dehors, pour s’assurer qu’il ne s’était pas trompé, lorsqu’une voix forte qui semblait sortir de la mer, cria en français :
— Ohé ! du Robuste !
— Oh là ! répondit le matelot, qui nous hèle ?
— France ! pirogue de Saint-Domingue !
Le capitaine avait entendu ce court dialogue ; il dit quelques mots à voix basse à l’officier de quart.
— Cargue la grand’voile ! ordonna celui-ci dans son porte-voix ; la barre dessous ! masque le grand hunier.