Page:Aimard - Les rois de l'océan, 2 (Vent-en-panne).djvu/139

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mes larmes n’ont pu le faire revenir sur sa détermination ; il n’a pas vu, où il n’a pas voulu voir notre douleur ; il s’obstine à résister en face, aux ennemis qui l’attaquent dans l’ombre. Qu’arrivera-t-il de tout cela ? je l’ignore, mais j’ai peur ; un pressentiment cruel me serre le cœur comme dans un étau ; un malheur affreux est, j’en ai la triste conviction, suspendu sur nos têtes.

— Ce pressentiment vous trompe, mademoiselle, il est impossible qu’il en soit ainsi, vous êtes à la Vera-Cruz ; les autorités de la ville vous doivent protection, elles ne l’oublieront pas.

— Eh ! monsieur, c’est surtout parmi les membres du gouvernement que se trouvent les ennemis les plus implacables de notre famille ; vous ne sauriez vous imaginer à combien de sourdes machinations, à combien de vexations, de basses insultes, nous sommes en butte.

— Du courage, mademoiselle, le vice-roi de la nouvelle Espagne est un noble gentilhomme ; il ne souffrira pas…

— Vous ignorez donc, monsieur, que le vice-roi de la nouvelle Espagne est notre plus grand ennemi, que tout ce qui se fait contre nous, est fait par son ordre ?

Il y eut un court silence.

— En proie à une crainte inexprimable, reprit la jeune femme, rendue presque folle par la terreur qui s’est emparée de moi ; pardonnez-moi, monsieur, cet aveu que je ne devrais pas faire ; j’ai songé à vous, toujours si bon, si grand, si généreux ; et sans calculer les conséquences d’une telle démarche, je me suis décidée à venir vers vous, à implorer cette protection qui jamais ne m’a manqué, et à vous dire, l’âme navrée de douleur : « Vous qui jamais ne m’avez failli, vous qui jusqu’ici avez été pour moi le protecteur le plus dévoué et le plus désintéressé, venez à mon aide ; sauvez-moi ; je meurs !

— Ô mademoiselle ! s’écria le jeune homme avec âme, je vous bénis pour cette confiance que vous avez