Page:Aimard - Les rois de l'océan, 2 (Vent-en-panne).djvu/138

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et se refermer de même ; il perçut le bruit du verrou que l’on poussait, puis, la tablette de séparation glissa dans sa rainure, et une voix douce et mélodieuse, dont le timbre enchanteur le fit tressaillir, murmura ces mots à son oreille :

— Êtes-vous là ? au nom du ciel !

— Oui, señora ; répondit-il.

Nos deux personnages étaient plongés dans des ténèbres complètes ; bien que fort rapprochés l’un de l’autre, il leur était impossible de s’apercevoir, ce qui, pour des raisons que nous connaîtrons bientôt, chagrinait beaucoup l’Olonnais.

— Je vous remercie sincèrement d’être venu, monsieur ; reprit la douce voix.

— Une prière de vous est un ordre, mademoiselle.

— Oh ! oui ! fit la voix d’un ton caressant, je connais votre dévouement ! mais la démarche que je fais en ce moment est tellement étrange de la part d’une jeune fille, qu’il faut, croyez-le, que j’aie eu de bien graves raisons pour la tenter.

— Mademoiselle, vous êtes un ange, vous ne pouvez rien faire qui ne soit, je ne dirai pas honorable, mais digne de tous éloges.

— Hélas ! monsieur ! la situation dans laquelle je suis placée est terrible ; elle m’effraie, je ne suis qu’une enfant habituée à la vie tranquille de la famille, mon père a des ennemis puissants acharnés à sa perte ; ces luttes haineuses me font d’autant plus peur, que mon père s’obstine à vouloir faire tête à l’orage.

— Hélas ! mademoiselle, ce que vous me dites en ce moment, cette nuit même, il y a quelques heures à peine, je l’ai dit à votre père.

— Il a repoussé vos conseils, n’est-ce pas, monsieur ?

— Malheureusement oui, mademoiselle, d’une façon péremptoire.

— Cela devait être ainsi ; hier, après votre départ, mon père a eu, avec madame la duchesse, un entretien excessivement sérieux ; ni les pleurs de ma mère, ni