Page:Aimard - Les rois de l'océan, 2 (Vent-en-panne).djvu/154

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— Moi ? fit-il avec un sourire triste ; après tout c’est possible ; notre rencontre me disposerait assez à le croire.

— Je n’ai pas l’habitude de parler par énigmes ; voici le fait en deux mots : le projet incroyable, insensé, tranchons le mot, que vous avez conçu en vous échappant de l’hacienda où vous étiez esclave, est, par une de ces combinaisons incompréhensibles du hasard, sur le point de réussir de la façon la plus complète.

— Mon Dieu ! ne vous jouez pas de moi !

— Je m’en garderais bien, ce serait une cruauté gratuite dont je suis incapable, écoutez moi : Vent-en-Panne votre ancien maître, croise depuis quinze ou seize jours devant cette Côte, c’est lui qui m’a jeté à terre à un quart de lieu d’ici, avec mon matelot l’Olonnais. Si vous ne me connaissez pas, vous n’ignorez sans doute point mon nom, je suis le frère puîné d’un homme avec lequel vous avez dû avoir certaines relations.

— Son nom ? demanda vivement le capitaine David.

— Pitrians.

— Eh quoi ? vous êtes le frère de ce brave Pitrians avec lequel j’ai été deux ans matelot !

— Oui, capitaine, pour vous servir ; dit le jeune homme en lui tendant la main.

— Allons ! allons ! fit David, en lui rendant cordialement son étreinte, bon sang ne saurait mentir ; vos actes vous avaient dénoncé, avant que vous m’ayez dit votre nom ; mais continuez, je vous prie, ce que vous m’apprenez m’intéresse au plus haut point.

— Je le crois bien, dit le jeune homme en riant ; donc depuis quinze jours, l’Olonnais et moi, nous avons endossé des peaux d’Espagnols, et en cette qualité nous habitons la Vera-Cruz, où jusqu’à présent, je l’espère du moins, nous avons réussi à n’éveiller aucun soupçon ; nous passons pour des arrieros de l’intérieur ; je ne suis pas bien au courant des intentions de notre ami Vent-en-Panne, mais il se pourrait bien qu’il ruminât quel-