Page:Aimard - Les rois de l'océan, 2 (Vent-en-panne).djvu/185

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procède dans les autres pays ; quant à la justice espagnole, comme cette fois est la première que j’ai affaire à elle, je ne puis que constater la manière à la fois noble, courtoise et impartiale dont elle agit envers les malheureux appelés à comparaître devant elle.

Ce dernier éloge acheva de gagner le cœur du digne magistrat ; il appela son alguazil, et lui dit, tout en souriant aux deux jeunes gens :

— Ces caballeros sont libres ; ils peuvent se retirer où bon leur semblera ; quant à vous, et à vos pareils, ajouta-t-il en fronçant le sourcil ; ce qui fit trembler le misérable agent, quand vous aurez des dénonciations à me faire, tâchez de ne pas commettre d’erreurs semblables à celle d’aujourd’hui : cette fois, il vous en coûterait cher, allez.

Le pauvre diable courba l’échine, rentra ses cornes, lança à la dérobée un regard sournois sur les deux jeunes gens, et se retira tout penaud de cette rude mercuriale.

L’Olonnais et Pitrians prirent alors congé du juge ; celui-ci leur sourit gracieusement et les accompagna jusqu’à la porte de son cabinet.

Dans l’antichambre, l’Odonnais rencontra l’alguazil, auquel avec une bonne parole, il mit une once dans la main ; baume tout-puissant pour la blessure d’amour-propre que celui-ci avait reçue, et qui fit immédiatement s’épanouir un sourire de satisfaction béate sur la face ignoble de ce drôle ; l’Olonnais n’avait pas voulu laisser à la haine de ce misérable policier, le temps de prendre racine. Il fit bien ; car grâce à cette pièce d’or généreusement donnée, il se fit un allié de ce coquin, qui, sans cela, serait peut-être parvenu à lui créer de graves embarras.

En quittant le juge, les deux jeunes gens rentrèrent tout droit à leur auberge. L’hôtelier, que la visite qu’ils avaient reçue le matin, et la façon dont ils étaient sortis avaient fort inquiété, car il portait un intérêt véritable à ses locataires, témoigna la joie la plus vive en les voyant revenir.