Page:Aimard - Les rois de l'océan, 2 (Vent-en-panne).djvu/199

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Il laissa alors tomber sa tête sur sa poitrine, et s’absorba dans ses pensées.

Depuis une heure déjà, il demeurait ainsi immobile, sombre et inerte : on l’aurait cru endormi, si des soupirs étouffés n’eussent gonflé sa poitrine et des tressaillements nerveux agité parfois tout son corps et clairement révélé l’angoisse horrible qui lui étreignait le cœur ; cependant cet état de prostration ne fut pas de longue durée ; le duc se redressa sur son fauteuil, prit un sifflet posé près de lui sur une table et siffla.

— Priez madame la duchesse, dit-il au domestique venu à l’appel du sifflet, de me faire l’honneur de m’accorder quelques minutes d’entretien.

Le domestique salua et se retira.

— Oui, murmura le duc, cela vaut mieux ainsi ; je ne puis exposer ni la duchesse ni ma fille aux dangers terribles dont je suis menacé, je dois, quoi qu’il arrive, essayer de les sauver ; Dieu veuille que j’en aie le temps encore ! quant à moi je suis prêt à tout souffrir avec courage ; mais ces victimes innocentes, doivent être épargnées.

En ce moment la porte s’ouvrit ; supposant que la duchesse entrait, M. de la Torre fit un mouvement pour se lever, mais un valet parut.

— Que voulez-vous ? demanda le duc.

— Monseigneur, le señor Capitaine don Luis de Peñaranda, répondit le valet en s’inclinant respectueusement, désire être introduit auprès de Votre Excellence ; il est porteur, dit-il, de dépêches importantes ; de plus il est chargé près de Votre Excellence d’une mission du gouverneur de la ville.

— Faites entrer le señor Capitaine ; répondit le duc.

L’homme ainsi annoncé entra aussitôt.

C’était un personnage de haute taille, bien fait de sa personne, aux traits nobles, réguliers, dont la physionomie martiale, était encore relevée par le brillant uniforme de capitaine, tout chamarré d’or, dont il était re-