Page:Aimard - Les rois de l'océan, 2 (Vent-en-panne).djvu/198

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Dès qu’il fut seul, le duc se laissa lourdement retomber dans son fauteuil, rouvrit la lettre que don Pedro Garcias lui avait remise, et la relut attentivement.

Cette lettre écrite en français était ainsi conçue.


« Monseigneur,

« Toutes mes prévisions se sont réalisées, les mailles du filet dans lequel on veut vous enfermer se resserrent de plus en plus autour de vous. Hier matin j’ai été appelé chez le Juez de letras ; j’ai eu beaucoup de peine à me sortir de ses griffes. Le porteur de ce billet vous dira comment je suis tombé quelques heures plus tard, victime d’un inqualifiable guet-apens.

« Je vous fais à grand’peine passer ce billet, monseigneur ; fuyez, fuyez au plus vite s’il en est temps encore. Seul Pitrians est libre ; qui sait si aujourd’hui ou demain, il ne sera pas arrêté ? Le temps me presse, je ne puis vous en dire davantage ; mais au nom du ciel, monseigneur, fuyez, je vous en supplie ! si ce n’est pour nous, que ce soit pour madame la Duchesse et pour doña Violenta.

« Je demeure toujours, monseigneur de Votre Excellence, le serviteur dévoué.
« L’Olonnais. »

« P. S. Il est important que ce billet ne soit pas surpris entre vos mains en cas où vous seriez arrêté ; ce qui, malheureusement, n’est que trop probable. »


Le duc déchira la lettre en morceaux presque imperceptibles, qu’il jeta au fur et à mesure dans un brasier incandescent, où ils furent consumés en quelques minutes.

— J’ai eu tort ; murmura-t il, cet homme, ce Pedro Garcias, disait vrai, nous ne sommes pas ici en Espagne ; la loi est impuissante à me protéger ; peut-être aurais-je dû suivre le conseil de l’Olonnais ; maintenant, il est trop tard, il me faut attendre les événements et leur faire tête en gentilhomme.