Page:Aimard - Les rois de l'océan, 2 (Vent-en-panne).djvu/229

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Devant tant de courage et de sang-froid les deux hommes restèrent atterrés.

Deux ou trois minutes s’écoulèrent pendant lesquelles un silence de mort régna dans la pièce :

Tout à coup l’Olonnais arracha sa perruque qu’il lança loin de lui, fit par un mouvement gracieux retomber ses longs cheveux blonds sur les épaules, se retourna et laissant tomber la serviette dont il se couvrait le visage :

— Maintenant me reconnaissez-vous ? demanda-t-il avec un sourire amer.

— L’Olonnais ! s’écria le Chat-Tigre, en faisant malgré lui un pas en arrière ; l’Olonnais ! le matelot de Vent-en-Panne.

— Oui, l’Olonnais ! reprit le jeune homme en redressant fièrement la tête, le matelot de Vent-en-Panne ! qui n’est pas venu ici, ainsi que vous l’en accusez, pour espionner ce qui se fait dans la ville et préparer une expédition de flibustiers ; mais pour défendre un homme injustement accusé et risquer sa tête, pour le soustraire aux odieuses machinations, ourdies contre lui dans les ténèbres, par ses lâches ennemis.

— Señor, dit alors le gouverneur, vous vous êtes indignement joué de moi ; je pourrais me venger et vous faire jeter dans le cloaque dont je vous ai fait sortir ; mais je méprise ces lâches représailles, vous demeurerez ici, jusqu’à ce que le tribunal, qui se réunira immédiatement pour vous juger, ait décidé de votre sort.

— Señor gouverneur, avant que nous ne nous séparions, je désire vous dire quelques mots.

— Parlez, señor, que désirez-vous ?

— Vous dire simplement ceci, señor, car je tiens à ce que vous ne me preniez pas pour un niais ; or je veux que vous sachiez bien, señor, que pendant la longue conversation que nous avons eue ensemble, je n’ai pas un seul instant été dupe de vos beaux semblants de justice ; dès les premiers mots je vous ai percé à jour, et j’ai deviné au milieu de tous les détours dont vous enveloppiez