Page:Aimard - Les rois de l'océan, 2 (Vent-en-panne).djvu/235

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

si mon compère arrive ce soir, je lui dirai que vous êtes venu le demander ; que vous avez paru très-chagrin de ne pas le voir, parce que vous vous proposez de retourner dans l’intérieur, et que s’il désire vous faire ses adieux, il vous trouvera à la Venta del Potrero ; voilà il me semble qui arrange tout ?

— Parfaitement ; votre idée est excellente.

— Eh bien, c’est convenu ; je ne manquerai pas de le lui dire ; ah à propos, comment vous nomme-t-on ?

— Ah ! ce ne sont pas les noms qui me manquent ; j’en ai plus que de piastres ; mais à cause de mon teint, on est accoutumé à m’appeler El Moreno.

— Bon, c’est entendu.

— Mais si vous ne voyez pas votre compère ?

— C’est impossible ; il est obligé de passer devant ma porte, pour rentrer cher lui ; il ne me ferait pas l’affront de passer sans me dire bonsoir, et boire avec moi un trago de tepache où d’aguardiente.

Pitrians se leva, paya sa consommation, et sortit, en priant une dernière fois le pulquero de ne pas oublier sa promesse.

Le jeune homme était assez satisfait du résultat de sa démarche ; il savait fort bien, qu’en ce moment don Pedro Gracias, dont la contrebande était en somme le principal commerce, restait rarement deux ou trois jours sans visiter sa maison, qui lui servait tout simplement d’entrepôt ; aussi dans la situation désespérée où il se trouvait, ne voulait-il rien négliger. C’était surtout sur le hasard qu’il comptait pour échapper à ceux qui avaient tant d’intérêt à s’emparer de lui ; de quoi s’agissait-il, au résumé ? de déjouer pendant quelques heures les recherches de ses ennemis, pas davantage ; puisque les flibustiers devaient, à moins d’un contre-temps impossible à prévoir, arriver le lendemain dans la nuit sur la côte mexicaine, et qu’alors tout changerait nécessairement de face pour lui

Il remonta à cheval d’un air guilleret, salua le pulquero, qui s’était mis sur sa porte pour le regarder