risque d’être pris, comme dans une souricière ; au moins ici, j’ai de l’espace.
Tout en parlant ainsi avec lui-même sur ce ton de bonhomie narquoise qui faisait le fond de son caractère, Pitrians n’oubliait pas d’interroger l’horizon de temps en temps.
— Eh ! eh ! fit-il tout à coup, qu’est-ce ceci ? voici un cavalier qui a l’air bien pressé et il suit les sables ; où diable peut-il aller par là ? ce chemin ne mène nulle part. Eh pardieu ! je ne me trompe pas, reprit-il, au bout d’un instant, c’est notre ami Bothwell ! il vient ici évidemment. Quand je disais que la grotte était connue ; ah ça, que diable vient-il faire par ici, le camarade ? Je ne serais pas fâché de le savoir ; hum ! hum ! tout cela me semble louche. Laissons-le faire ; en voilà un par exemple qui ne se doute pas qu’on le surveille si bien !
Pitrians ne s’était pas trompé, c’était en effet Bothwell qui s’avançait vers la falaise ; le bandit n’avait quitté la Vera-Cruz qu’assez tard ; comme sa blessure le faisait encore souffrir, que du reste rien ne le pressait puisque d’après ses conventions avec le Chat-Tigre, il ne devait pas arriver à la caverne avant le coucher du soleil, il avait fait la route au petit pas ; il se trouvait précisément à l’heure convenue en vue de l’endroit qu’on lui avait indiqué, puisque le soleil était sur le point de disparaître.
Cependant à six ou sept cents pas de la falaise, Bothwell s’arrêta et explora les environs du regard ; un silence profond planait sur la campagne ; tout était désert comme au premier jour de la création ; le bandit se rassura.
— Notre homme n’est pas assez fou pour s’être risqué de ce côté, dit-il ; s’il le fait, ce ne sera que plus tard ; à cette heure, il jouerait trop gros jeu et pourrait être découvert.
Après avoir ainsi parlé, Bothwell visita ses armes, fit sentir l’éperon à son cheval et continua à s’avancer ;