cependant au bout de dix minutes, il retint de nouveau la bride ; le bandit se sentait inquiet sans savoir pourquoi ; ce paysage immobile et désert ; cette mer profonde aux mystérieux murmures, sur l’immensité de laquelle n’apparaissait pas une voile, cette tranquillité imposante ne lui semblait pas naturelle ; il se croyait menacé de quelque danger inconnu, quoique nul indice, si léger qu’il fût, ne vint donner de poids à ses appréhensions ou justifier ses craintes ; lui, l’homme au cœur de granit, il avait presque peur.
Cependant le soleil baissait de plus en plus à l’horizon ; il n’apparaissait plus que comme une grosse boule rouge, sans chaleur et presque sans lumière, au niveau du pied des arbres. Quelques minutes encore, et dans ce pays où le crépuscule n’existe pas, le soleil aurait complétement disparu et la nuit serait venue profonde et ténébreuse.
Il n’y avait plus d’hésitation possible, l’heure d’agir allait sonner. Le bandit jeta autour de lui un dernier regard, afin de s’assurer qu’il était bien seul, et reprit sa marche en murmurant à demi-voix :
— Je suis fou ! qu’ai-je à craindre ? je suis bien armé ; d’ailleurs, je n’aurai jamais affaire qu’à un seul homme !
Au moment où il atteignait le pied de la falaise, le soleil disparaissait, la nuit était faite.
— J’ai trop tardé, reprit le bandit ; comment me diriger maintenant dans cet infernal chaos ?
Après trois ou quatre minutes d’hésitation, il continua cependant à longer le pied de la falaise, et arrivé à son extrémité, il poussa son cheval dans la mer ; l’animal commença par se raidir sur ses quatre pieds, allonger le cou et sentir l’eau en renâclant ; il était évident, que pour d’autres motifs que ceux de son maître, le cheval ne se souciait pas de s’avancer plus loin dans cette direction ; mais un violent coup d’éperon le contraignit à l’obéissance, et bien qu’en hésitant, il entra dans l’eau.
Pendant que ceci se passait au pied de la falaise, Pi-