Page:Aimard - Les rois de l'océan, 2 (Vent-en-panne).djvu/316

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rivée au Potrero, consolations qu’elles avaient presque acceptées d’abord, et par lesquelles elles s’étaient laissées séduire ; perdaient de leur valeur à leurs yeux, au fur et à mesure que les heures s’écoulaient, lentes et monotones, sans que le plus léger indice leur révélât l’approche du secours qu’elles appelaient de tous leurs vœux.

La mansuétude du Chat-Tigre, la solitude dans laquelle il laissait ses prisonnières, ajoutaient encore à l’épouvante de celles-ci ; tant cette conduite leur semblait étrange de la part d’un pareil homme. Depuis plus de trois heures pas un mot n’avait été prononcé entre les trois femmes ; elles étaient assises, mornes, pensives, leurs yeux sans regards fixés devant elles ; se laissant envahir par cette apathique tristesse des cœurs brisés, sans même essayer de lutter et s’abandonnant machinalement à leur désespoir.

Seule Fleur-de-Mai ne désespérait pas ; la brave et fière enfant avait pris au sérieux son rôle de protectrice ; elle ne comprenait rien aux craintes exagérées de ses compagnes ; réduite au silence par leur apathique résignation, elle avait cessé ses consolations inutiles ; mais son courage n’avait pas faibli ; elle se creusait la tête pour découvrir un moyen, sinon de sauver, du moins d’améliorer la position de celles que l’Olonnais lui avait confiées !

— Cela ne peut durer ainsi plus longtemps ; s’écria-t-elle tout à coup, en frappant avec force la crosse de son gelin contre le parquet.

À ce bruit, qui rompait brusquement le cours de leurs pensées, les deux dames tressaillirent, comme si elles se fussent réveillées en sursaut ; elles relevèrent la tête, en fixant un regard interrogateur sur la jeune fille sans cependant prononcer une parole.

— Oui, je le répète ; cela ne peut pas durer plus longtemps ! reprit Fleur-de-Mai, charmée dans son for intérieur d’avoir enfin réussi à éveiller l’attention de ses compagnes ; il faut que nous sortions, coûte que coûte,