Page:Aimard - Les rois de l'océan, 2 (Vent-en-panne).djvu/338

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officiers de l’armée le voyaient d’un mauvais œil et le jalousaient à cause de sa jeunesse. La conduite qu’il avait tenue le matin, la poltronnerie, ou plutôt la lâcheté dont il avait fait preuve, mises en parallèle avec l’initiative courageuse prise par le duc de la Torre, auquel depuis son arrivée au Mexique, il avait essayé de nuire, en se mettant presque ouvertement avec ses ennemis, toutes ces circonstances réunies le plaçaient dans une position très-fausse ; il savait qu’aussitôt les flibustiers partis, il aurait un compte sévère à rendre de sa conduite au vice-roi de la nouvelle Espagne.

Or, nous l’avons dit, le comte de la Sorda Caballos était un adroit politique, il n’hésita pas à changer immédiatement de batteries, et à se faire l’ami de l’homme qu’il avait si rudement poursuivi, et à lui prêter jusqu’à nouvel ordre, bien entendu, le concours le plus dévoué. D’autant plus que le Chat-Tigre, auteur de l’enlèvement de la duchesse et de sa fille, était l’affidé du gouverneur, le dépositaire de tous ses secrets ; en cette qualité, il connaissait beaucoup plus de choses qu’il n’était prudent qu’il en connût ; le comte tenait donc à se débarrasser le plus tôt possible de ce témoin incommode, et à le réduire au silence, n’importe par quel moyen.

Telles étaient les causes qui avaient engagé le gouverneur à se joindre à la troupe lancée à la poursuite du Chat-Tigre ; et comme surtout il tenait à ce que celui n’échappât pas, il avait pris soin d’amener avec lui une troupe considérable de cavaliers.

Dans les colonies espagnoles, les magistrats, les employés, les officiers étaient tous plus ou moins contrebandiers ; ceci était de tradition, d’autant plus que le gouvernement a toujours fort mal payé ses employés ; que sans la contrebande, en Amérique, ils n’auraient pu vivre, et par conséquent auraient fait très-piteuse figure.

Le Potrero était connu pour être l’entrepôt général des contrebandiers, de toute cette partie du Mexique ;