— Ah, pardieu ! voilà qui est flatteur pour moi ! mais permettez-moi de vous dire, M. le duc, que je suis certain de mon identité. Je suis l’Olonnais, aussi vrai que mon camarade Pitrians que vous connaissez bien aussi, montre en ce moment de riches marchandises à madame de la Torre et à sa noble fille.
— Mais comment êtes vous ici ? de quelle façon avez-vous réussi à vous introduire dans la Vera-Cruz ? quel motif vous y amène ?
— Voilà bien des questions à la fois, M. le duc ; cependant j’espère répondre à toutes, de façon à vous satisfaire.
— Parlez, mon ami, je vous en conjure ; bien que rien ne m’étonne de la part des frères de la Côte, il est évident pour moi, que pour tenter une expédition aussi audacieuse je dirai presque aussi folle, il faut que vous ayez eu des motifs bien graves.
— En effet, monsieur le duc, mais vous vous êtes toujours montré notre ami ; nous autres flibustiers, vous le savez, nous conservons religieusement nos serments, et jamais nous n’oublions nos amis. À la suite d’une camisade exécutée contre une petite ville de Saint-Domingue, nommée San Juan de la Maguana, des papiers importants sont tombés entre les mains de mon matelot Vent-en-Panne ; ces papiers, paraît-il, ont pour vous une si grande valeur, que Vent-en-Panne et moi, nous n’avons pas hésité une seconde à vous les faire parvenir ; mais il fallait éviter qu’ils ne s’égarassent en route : ils devaient être remis à un homme sûr ; je me chargeai de cette mission délicate. Je ne vous ennuierai pas du récit fastidieux des moyens que j’ai employés pour arriver jusqu’à vous. Il vous suffira, M. le duc, de savoir que j’ai réussi, puisque me voilà.
— Et ces papiers, vous les avez ? demanda le duc avec anxiété.
— Depuis que mon matelot me les a remis, monsieur, ils ne m’ont pas quitté : les voici.
Il retira alors de la poche intérieure de son dolman un paquet soigneusement cacheté, et le remit au duc.