Page:Aimard - Ourson-tête-de-fer.djvu/14

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une grande sympathie pour ces insulaires égoïstes, froids, compassés, orgueilleux, qui professent un mépris profond pour tous les étrangers et, quoi qu’on en dise, haïssent les Français, qui le leur rendent bien, surtout en Asie, en Afrique et en Amérique, partout enfin où ces Carthaginois modernes ont des comptoirs.

Je ne songeai donc pas un seul instant à me présenter aux autorités de l’île ou à me faire présenter dans une famille anglaise. Le thé m’affadit le cœur et la morgue britannique me donne des crispations nerveuses.

Après avoir bouleversé tous mes papiers, je finis par découvrir une lettre de recommandation, qu’à tout hasard un de mes amis créoles de la Guadeloupe, et aujourd’hui rédacteur de l’un de nos grands journaux politiques, m’avait donnée la veille de mon départ de Paris.

– On ne sait pas ce qui peut arriver, m’avait-il dit en me remettant cette lettre ; peut-être des circonstances impossibles à prévoir conduiront-elles vos courses vagabondes à l’île Saint-Christophe ; je connais votre anglophobie, voici un mot pour un de nos parents fixé aux environs, je crois, de la Basse-Terre, je ne sais trop où ; car je ne l’ai jamais vu et je ne suis pas allé dans l’île ; mais ne craignez rien, présentez-vous hardiment, ce papier à la main, et vous serez bien reçu.

Je mis cette lettre avec beaucoup d’autres au