Page:Aimard - Par mer et par terre : le batard.djvu/128

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mourant, elle m’a pardonné ; mais Dieu n’oublie pas, lui, il me réservait un châtiment terrible et d’atroces douleurs !

— Que voulez-vous dire, mon ami ?

— J’avais deux fils, deux braves et fiers jeunes gens, sur lesquels reposait tout l’espoir de ma race ; tout mon bonheur et toute ma joie se fondaient sur ces deux têtes chéries !

— Eh bien ? demanda le banquier avec anxiété.

— Ils sont morts ! murmura le vieillard d’une voix navrée.

— Morts ? tous deux ?

— Oui ! morts tous deux en même temps ! en soldats ! tués peut-être par le même boulet, en combattant comme des lions !

— Oh ! c’est affreux !

— Affreux, oui !

— Mais peut-être cette nouvelle n’est-elle pas certaine ; il faudrait s’informer, voir, attendre sa confirmation.

— La nouvelle est officielle, mon ami, répondit le vieillard avec un sourire désespéré ; l’aîné, don Rafael, l’héritier de mon nom, a été tué sur la brèche, à la tête du régiment de la Reina, dont il était colonel, à la prise d’assaut par les insurgés colombiens des retranchements de la ville du Callao, lors de la surprise du port par les forces combinées du Chili, du Pérou et de la Colombie.

— Pauvre père ! murmura tristement le banquier.

— Ce n’est pas tout, reprit le vieillard, dont les sanglots brisaient la voix : son frère Horacio, colonel du régiment de l’Infante, qui accourait au secours de Rafael, fut frappé au même instant,