Page:Aimard - Par mer et par terre : le batard.djvu/22

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qu’il était brutal, grossier, sentant plutôt le goudron que les essences ; superstitieux et rempli de préjugés de toutes sortes, parfois ridicules ; peu instruit, mais connaissant son métier sur le bout du doigt ; brave, honnête, dévoué et chérissant la mer par dessus tout.

Aujourd’hui, nos capitaines au long cours sont des messieurs bien élevés ; ils mettent des gants à leurs mains, de la pommade à leurs cheveux, grasseyent en parlant, affectent d’être précieux avec leurs passagers et galants auprès de leurs passagères.

En valent-ils mieux pour cela ?

Peut-être oui, peut-être non.

Cependant, nous regrettons les loups de mer : au moins ceux-là étaient véritablement marins ; et s’ils n’étaient pas aussi musqués que le sont leurs successeurs, peut-être étaient-ils plus solidement à cheval sur le code de l’honneur que ne le sont ceux-ci.

Lorsque maître Bernouillet avait parlé d’Olivier au capitaine Legonidec, et lui avait fait la proposition de fréter son navire pour le compte du capitaine corsaire, le premier mouvement du vieux marin avait été de refuser : il redoutait d’avoir affaire à un terrien, et Dieu sait si le bonhomme les redoutait ; mais lorsqu’il eut pris des renseignements et eut fait deux ou trois visites à bord du Hasard, où, à sa grande joie, il s’était retrouvé en pays de connaissance, la plupart des hommes de l’équipage ayant servi avec lui sous les ordres de Surcouf, son opinion sur Olivier changea du tout au tout ; il finit par s’enthousiasmer si complétement pour le jeune capitaine, que si celui-ci lui