Page:Aimard - Par mer et par terre : le batard.djvu/272

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encore beaucoup. Bien que mariée depuis plus de quatorze ans déjà, elle adorait son mari comme aux premiers jours de son mariage ; elle partageait sa tendresse entre lui et ses enfants, qu’elle chérissait.

Ces enfants étaient au nombre de six, quatre garçons et deux filles. L’aîné avait dix ans et demi ; le plus jeune était presque encore au berceau ; c’était un charmant chérubin blond, de deux ans à peine, une petite fille qui promettait d’être aussi belle que l’avait été sa mère et, en attendant, était un ravissant bébé.

Doña Santa était bonne, affectueuse, douce, de manières un peu hautaines parfois, vive, spirituelle, très-pieuse, mais d’une piété éclairée, sans aucune teinte de cette dévotion outrée qui sèche le cœur et atrophie les bons sentiments en les détournant de leur pente véritable ; mais elle était jalouse, jalouse comme une lionne, de son mari, dont la réputation de galanterie l’effrayait avec raison.

La marquise cachait, sous ces dehors si charmants et si doux, une énergie indicible et une volonté de fer ; seulement elle mettait des gants de velours pour cacher ses griffes roses acérées et tranchantes comme des griffes de tigresse. Rien de plus terrible que ces volcans souterrains, dont la lame bouillonne au fond du cratère et monte lentement à la surface. On comprenait qu’il suffirait d’une étincelle pour allumer un inextinguible incendie dans cette âme ardente, froissée, meurtrie, et l’entraîner plus loin peut-être qu’elle ne le voudrait elle-même.

Le marquis de Palmarès ne se doutait de rien de tout cela.