Page:Aimard - Par mer et par terre : le batard.djvu/284

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de contador mayor à la Havane, place fort belle qui, en assurant l’avenir du pauvre gouverneur, lui permettait de rétablir honnêtement, en quelques années, sa fortune sur des bases solides.

Don Pancho de Valmoral, malgré tous les avantages que lui assurait sa nouvelle position, ne s’était pas séparé de la marquise sans un horrible déchirement de cœur ! Peut-être, au moment de quitter pour toujours cette femme dont il avait fait son idole, avait-il eu une révélation, et avait-il lu enfin dans son cœur meurtri par tant de douleurs ; mais tout refus était impossible. Il prit congé, les larmes aux yeux, de sa noble protectrice, et partit, la mort dans le cœur, pour l’île de Cuba.

Les enfants de la marquise ne pouvaient pas se passer de gouverneur ; la marquise se mit en devoir d’en trouver un, mais celui-ci elle le choisit avec le plus grand soin.

Ce n’était pas facile d’en trouver un tel qu’elle le désirait ; enfin elle y réussit. Son choix tomba sur un certain licencié nommé don Antonio Perez de Libresco, homme d’une érudition profonde, d’une honnêteté à toute épreuve, âgé de cinquante-huit ans, très-mal conservé, portant des lunettes vertes sur ses yeux brûlés par les veilles, un peu bossu, très-bancal et doué comme visage d’une laideur irréprochable.

On l’aurait fait faire exprès que l’on ne fût pas arrivé plus juste ; du reste, le licencié don Antonio Perez de Libresco, de même que tous les hommes affligés de gibbosité, était d’humeur joviale, aimait à rire et avait la répartie vive et spirituelle, et parfois mordante.