Page:Aimard - Par mer et par terre : le batard.djvu/363

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avoir embrassé leur grand-père, il furent emmenés, fondant en larmes, par leur gouverneur.

La porte se referma sur eux. Le duc de Salaberry et son fils demeurèrent seuls.

Il y eut un long et funèbre silence.

Ce fut le duc qui le rompit.

— Mon fils, dit-il d’une voix faible comme un souffle et qu’une vive émotion intérieure faisait trembler, approchez-vous de moi ; plus près, plus près encore ; mes forces m’abandonnent, je sens que la mort étend sa main sur moi.

— Mon père !…

— Ne m’interrompez pas, mon fils, mes instants sont comptés, je vais mourir. Après m’être confessé à Dieu, je dois vous demander, à cette heure suprême, pardon, à vous dont j’ai rendu la vie si misérable.

— Mon père ! s’écria Olivier, dont le cœur se brisait.

— Mon fils, continua le vieillard sans entendre l’exclamation d’Olivier, j’ai été bien coupable envers vous ; j’ai été lâche et criminel ; je vous ai abandonné, sans même me préoccuper de ce que vous deviendriez, pour cacher une faute que toute ma vie je me suis reprochée. L’orgueil me perdit : j’avais soif d’honneurs, de renommée ; je voulais briller au premier rang, écraser mes rivaux de mon luxe, de mes richesses. J’aimais votre mère jusqu’à l’adoration, je lui avais élevé un autel dans mon cœur. Son amour était faux ; elle m’avait, par vanité, attaché à son char, parce que j’étais beau, brillant et recherché par les autres femmes. Sa trahison fut ma première douleur. Alors je songeai à vous, je m’intéressai à votre sort ; il