Afin d’éclairer cette preuve, j’y en veux joindre une autre, assez élaborée dans la Critique de la Raison Pure, concernant le fameux principe de causalité. Voici cette preuve. Si la nature nous offrait des successions réelles toujours, on pourrait se demander si ces successions enferment toujours quelque loi, d’après laquelle l’antécédent détermine ce qui suit et non autre chose. Mais, dans le fait, tout est successif dans ma perception, et par exemple, les maisons d’une rue se suivent pour moi quand je me promène. Puisqu’enfin je distingue là-dedans les successions véritables des choses simultanées mais successivement connues, il faut donc qu’il y ait une vérité des successions vraies, qui est le rapport de causalité justement. Et c’est par là que je distingue cette succession d’apparence, quand je parcours une ville, de la succession réelle, flammes, fumée, ruines ; et en somme il y a toujours une vérité de la succession, autre que la succession apparente. Autrement dit, il n’y a point de succession vraie sans loi de succession. Ainsi la succession comme objet, c’est la causalité même. Et tel est le genre de preuve qui convient aux principes de l’entendement.
Pour les principes de la raison, il faut dire qu’ils sont à un niveau plus abstrait, que la nature les soutient moins, et que l’esprit les suit par préférence, comme des règles pour sa santé. Par exemple, qu’un événement qui est contre l’ordre jusque-là connu, et qui ne s’est produit qu’une fois, doit être attribué au jeu de l’imagination et de la passion plutôt qu’à un caprice des choses. Ou encore qu’il faut s’efforcer d’économiser les hypothèses ; que la supposition la plus simple est aussi la première à essayer, qu’il faut juger de l’inconnu d’après le connu, et, pour tout dire, se garder des passions c’est-à-dire des opinions émouvantes, plutôt que de courir après des merveilles extérieures, avec grand souci