l’humeur, je trouve une notion au lieu de deux qui me sont proposées. Or c’est une bonne règle de sagesse, de suivre ce préjugé que des mots différents signalent toujours une variété réelle, et, en bref, qu’il n’y a point la moindre erreur dans le vocabulaire commun. Je ne vois point d’autre règle assurée en des matières où tout est vraisemblable et tout contestable.
J’appellerais caractère l’humeur reconnue et jugée comme telle ; ce qui ne veut point dire que le caractère ne soit rien de plus que l’humeur ; car, d’un côté, le caractère est toujours une humeur simplifiée, et dont les vraies causes sont fort mal connues ; un homme peut savoir qu’il est jaloux et ne pas bien savoir en quoi cette disposition dépend du tempérament, du climat, et même du régime ; le passionné ne trouve presque jamais de lui-même qu’il devrait se priver de café ou faire un voyage ; et de l’autre côté il ne se peut pas que cette idée imparfaite qu’il forme de sa propre nature ne le modifie pas beaucoup ; savoir qu’on est paresseux est autre chose qu’être paresseux. Quand on dit qu’un homme a un certain caractère, qu’on peut craindre, ou sur quoi aussi l’on peut s’appuyer, on exprime que cet homme a des maximes et des opinions sur lui-même, qu’il croit vraies, et auxquelles il se conforme, comme on voit même souvent chez les fous. Le langage commun relève toujours la folie vers le préjugé ; et c’est là une grande idée trop oubliée, car les écarts de l’humeur et la force des instincts ne sont point du tout des signes de folie ; j’ai trouvé dans les œuvres d’un médecin inconnu cette maxime pleine de sens : « Plus les instincts sont forts, plus on est loin de la folie ; plus la raison les modifie, plus on en est près. »
Au-dessus du caractère se place, il me semble, tout ce qui dépend de l’opinion des autres et enfin de la vie