Page:Alain - Les Dieux, 1934.djvu/123

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et hurlant ; nous finissions par hurler de peur, et le pouvoir supérieur intervenait ; mais enfin nous aimions ce jeu. Je me souviens aussi d’un petit enfant, plus philosophe, qui ne manquait jamais de caresser une autre peau de loup, en disant “peur”, d’un ton très tranquille. Il savait ce qu’on doit à une peau de loup. C’était une très brève prière, que beaucoup d’hommes développent ainsi : “J’ai peur de toi ; ne me fais pas peur.” Nous caressons une grande variété de peaux de loup ; c’est croire qu’on croirait, si on voulait, et encore plus qu’on ne voudrait. Mais qui sait ? Un mathématicien illustre disait, en parlant d’un de ses ennemis, et très impie, qui venait de mourir : “Il grille ! Il grille !” Cette manière de jouer de l’enfer peut bien remordre l’acteur ; et toujours est-ce la preuve qu’il aimait un peu trop ses passions inférieures. Il se peut que les feux de l’enfer soient des feux d’opéra qui mettent quelquefois le feu à la salle.