Page:Alain - Les Dieux, 1934.djvu/134

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croit trop souvent que son tour viendra de tricher avec le travail, et que, par la découverte de richesses occultes, le temps viendra où les métiers tourneront tout seuls. J’ajoute ici pour mémoire, car ce développement serait sans fin, que le fétichisme du paysan est encore d’autre sorte ; car il laisse agir, après labour et semailles, des forces chimiques qu’on ne voit point. Quel est le paysan qui sait que les végétaux sont des dépôts de carbone atmosphérique ? Il croit que l’arbre était tout dans le germe et dans la terre. C’est toujours miracle. Il y a des terres qui nourrissent aisément l’homme. Mais j’ai appris mieux ; j’ai appris qu’il n’y a point de limite encore aperçue au nombre d’hommes que peut nourrir une terre ordinaire, si seulement ces hommes y travaillent tous du matin au soir, pour arroser, fumer, sarcler, séparer, repiquer. Quand le travail pensera, et quand la pensée travaillera, le miracle sera tout réfugié dans l’homme ; il aura nom courage.