Page:Alain - Les Dieux, 1934.djvu/148

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dans le monde, et telle était son action ; il sentait avec le monde, et telle était sa pensée. Mais nous avons changé tout cela. On rit du cœur à droite ; mais la supposition d’un homme qui ne serait plus au monde n’est pas moins ridicule. L’homme est un animal pensant, qui ne s’est pas plus délivré de son ventre que de sa poitrine ou de sa tête. Aussi ne devrions-nous pas nous étonner plus de la sagesse des anciens temps que des dieux d’autrefois. Tout cela court avec nous, comme notre enfance court avec nous. Assurément l’enfant ne pense point comme l’homme et n’agit point comme l’homme ; mais c’est une raison aussi de penser qu’il n’y a point une manière moderne d’être enfant. Au vrai l’enfance est éternelle de toute façon, comme conservée et comme recommencée. Et le sentiment de la nature est éternel aussi, comme l’immuable poésie en témoigne. J’ai l’expérience qu’Homère et Platon ne sont pas loin de nous, expé-