Page:Alain - Les Dieux, 1934.djvu/149

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rience qui serait tout à fait commune si l’on n’apprenait point à refuser Homère et Platon.

Toutefois chacun a l’expérience aussi que rien ne recommence. Tout est comme au temps de César, en ce rivage breton ; mais je vois que les roches ne cessent de s’user, et je sais d’où vient le sable. Et la dune se fait sous mes yeux, où de retour les vaches vont paître, tournant le pied et montrant la corne au chien, comme au temps de l’Odyssée. Je lis donc, en quelque sorte, deux textes l’un sur l’autre. Il est vrai que cette dune est fille d’une autre dune, et qu’elle est telle parce que l’autre était ainsi et non autrement ; le présent me renvoie au passé ; mais il est vrai aussi que la dune s’est toujours accrue par le vent, comme elle fait, et que le grain de sable roule au plus bas, comme il a toujours fait. Le passé me ramène au présent, et le suppose toujours dans mes pensées, car c’est du présent que je pars, et c’est par le présent