Page:Alain - Les Dieux, 1934.djvu/166

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Poèmes le prouvent. Au surplus le songe est presque tout de récit, et inventé dans le récit même et dans la lumière du jour. L’âge des songes, autant qu’on peut dire, est l’âge des contes. Nous y sommes enfants par consentement ; sans quoi le réveil serait inexplicable. Nous nous laissons amuser. Il n’y a point de dieux agrestes dans les songes, parce que l’attention n’y est point éveillée ni trompée. Il est propre aux songes qu’on n’y fasse point le tour des choses, ni aucune exploration ; on n’y est ni curieux ni étonné. Mais il est théologique que l’on se trompe aux songes ; et ceux qui y voudraient voir l’étoffe des dieux leur demandent trop. Bien plutôt ce sont les dieux qui sont l’étoffe des songes ; et je veux me tenir ici, un moment, à ce niveau de simplicité où les dieux ne sont rien qu’on puisse décrire. Comme l’eau de la fontaine, si sombre en son creux, si claire dans la main, le bois sacré est l’image de la nature, obscure par transparence. On n’y trouve que lui.