Page:Alain - Les Dieux, 1934.djvu/184

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n’ont pas aisément transporté dans les statues à forme humaine. Bref notre pensée tourne autour de la forme animale, et n’y veut point entrer. Le culte s’arrête donc à la forme extérieure, et le secret vient d’interdiction, selon la marche naturelle, puisque l’action règle la pensée.

Plus profondément, il n’est point permis de supposer l’esprit dans les bêtes, car cette pensée n’a point d’issue. Tout l’ordre serait aussitôt menacé si l’on osait croire que le petit veau aime sa mère, ou qu’il craint la mort, ou seulement qu’il voit l’homme. L’œil animal n’est pas un œil. L’œil esclave non plus n’est pas un œil, et le tyran n’aime pas le voir ; toutefois en ce cas, qui est tout politique, on imagine aisément la haine, la crainte, l’espérance ; au lieu que devant l’animal on repousse toutes ces choses, dessinant et achevant au contraire l’impénétrable, l’imperméable forme. On s’arme ici de piété, contre une pensée importune ; et encore une fois la