Page:Alain - Les Dieux, 1934.djvu/198

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compter la musique, qui, en la danse tout au moins, ne fait d’abord que marquer le bruit des pieds, toujours par une précaution contre la violence, car qui frappe du pied déjà s’irrite. Le chant règle les cris, qui iraient d’eux-mêmes à la fureur, comme la dispute le fait voir.

Le spectacle aussi est un rite. Et souvent les trop abstraits philosophes s’étonnent qu’on se plaise à exciter en soi-même et par industrie, la pitié, la crainte, et même l’horreur. On se plaît à les éprouver parce qu’on se plaît à les vaincre, et encore en foule, dans la presse d’hommes où ces émotions grandissent comme une tempête. Mais aussi la foule est immobile, silencieuse, et rangée de façon à se voir elle-même ; en outre, et par surcroît de précaution, les anciens interposaient encore entre le Prométhée enchaîné et les spectateurs assis, une autre foule composée et dansante, qui apprenait à la grande foule comment il convient de contempler le malheur