Page:Alain - Les Dieux, 1934.djvu/199

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des hommes et le courroux des dieux. Un théâtre est de religion. Ou bien alors c’est le très irréligieux comique qui délivre les hommes, par le spectacle même de leur très sérieuse sottise. Car le rire désarme toutes les fureurs, même voluptueuses ; et la plus ancienne expérience a toujours jugé que le rire est sain. C’est vaincre les dieux précisément où ils sont, dans le thorax et le ventre. C’est délier l’animal pensant. L’esprit ne peut pas plus ; et c’est peut-être assez.

La poésie, la prose, le beau langage sont des rites. On s’étonne quelquefois de n’obtenir presque rien des nouveautés, comme de ces inventions souvent expressives qui font l’argot. Il suffit de remarquer que l’improvisation prend aisément la forme de l’injure, par un oubli d’être homme. Et au contraire la prière délivre, par la sécurité qu’on y trouve, comme aux jardins ; on ne se lasse point de la sérénité ; c’est qu’aussi elle est promptement perdue. Les gestes rituels ne sont jamais vifs ni