Page:Alain - Les Dieux, 1934.djvu/204

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vivre que de la campagne, il est vrai aussi que la vie paysanne ne fut jamais rien de saisissable sans la ville, car la police est de ville. Il y eut donc toujours une théologie de l’oracle. Mais l’âme de l’oracle reste errante dans les champs ; c’est là qu’elle reprend vie. C’est là que le vol des oiseaux signifie saison, tempête, ou reptile, ou chat ; c’est là que l’appel de la poule aux poussins fait qu’on cherche au ciel l’épervier. C’est dans les bois que le cri du geai d’arbre en arbre permet de suivre pas à pas l’invisible chasseur. C’est là qu’un lièvre traversant veut qu’on s’arrête, qu’on hésite, que l’on change ses projets, qu’on aille peut-être chercher d’autres armes ; car cela signifie poursuite, c’est-à-dire chasse faite, ou bien animal plus dangereux. Le vrai paysan se meut dans les oracles ; il tourne autour du signe ; il compose les signes ; il infléchit son action d’après eux. Cette interprétation est pleine de ruses, et la volonté y trouve passage. Il