Page:Alain - Les Dieux, 1934.djvu/207

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’estomac de la bête qu’on vient de tuer mérite attention ; on y peut voir les graines et fruits qui sont mangeables en pays nouveau ; on y trouve la preuve qu’un pâturage n’est pas loin, et peut-être une source. En outre, comme on l’a compris, toute précaution et toute attention est bonne pour dépecer ; la viande est amère si l’on crève la poche à fiel. Cette méthode d’observer, et d’abord de respecter, se lie naturellement au sacrifice. Mais j’y devine encore quelque sentiment plus sauvage, qui vient d’une sympathie forte. Car les blessures, surtout de guerre, rendent aussi des oracles ; et cette ressemblance des entrailles saignantes avec cette partie de soi qui annonce peur ou courage sans permission, fait que ce livre des entrailles est tragique par soi. Peut-être sent-on plus vivement, alors, ses propres pressentiments, si terriblement annonciateurs de courage ou de fuite. L’homme est à lui-même un terrible oracle, parce que les premiers signes ne font